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Actualité des maux croisés, pérégrinations ad libitum d'un psychiatre des sympathies, des perplexités paradoxales & des hégémonies culturelles...

Croiser l'actualité, les maux qui la parlent et les mots qui la hantent...

"Déconstruction", un concept nazi?... J.P. Faye, J. Derrida, S. Karsz...

Publié le 16 Août 2013 par Serge Aron

"Déconstruction", un concept nazi?... J.P. Faye, J. Derrida, S. Karsz...

La dispute J.-P. Faye / derridiens quant à la postérité des concepts heideggeriens est très étrange... (voir articles du Monde et de Libération ci-dessous)

Derrida aurait-il contribué à transmettre de l'idéologie nazie à travers le concept de "déconstruction", traduction de l' "abbau" heideggerien?

Les mots peuvent-ils être intrinsèquement "toxiques"?

Le mot "total" est-il définitivement condamné à renvoyer à l' "Etat total" de Carl Schmitt et au "totalitarisme" des régimes fascistes?

Ou s'agit-il seulement d'une vieille rancœur interpersonnelle de J.-P. Faye envers Derrida?

Après avoir subi la domination de l'idéologie marxiste et du matérialisme dialectique des années 60-70, J.-P. Faye voudrait-il aujourd'hui faire passer Derrida et ses héritiers pour des nazis qui s'ignorent?

C'est un peu gros...

Mais peut-être s'agit-il d'interroger l'articulation entre aveuglement idéologique et pertinence conceptuelle?

Dans quelle mesure une certaine forme d'illusion utopico-mystique est-elle nécessaire à l'avancée conceptuelle?

"Idéologie et Inconscient font nœud", professe Saül Karsz (encore un marxiste freudo-lacano-althusserien?).

On ne se débarrasse pas plus des unes, les "idéologies", que de l'autre, l' "inconscient", nous sommes habités et constitués par des mots et de l'histoire qui nous précèdent et nous échappent à la fois, c'est un trésor immense et une charge insupportable, mais croire qu'on pourrait s'en affranchir et jouir d'un bonheur enfin retrouvé est une sottise potentiellement dangereuse... quoique communément partagée.

Précisément! Désigner l'autre (Derrida) comme vecteur idéologique en voulant croire qu'on n'en serait pas un (de vecteur) est déjà s'inscrire dans cette sottise... Et ajouter à cette sottise l'insinuation satanique de nazisme est une manière de diaboliser l'autre pour préserver l'illusion d'une chasteté idéologique proclamée...

J.-P. Faye semble se sur-compromettre dans cette logique et on serait tenté de lui renvoyer: "nazi toi-même!"...

La solution finale, comme l'amour-propre, ne le reste jamais longtemps...

Le danger n'est pas d'être idéologiquement marqué, on l'est tous!, c'est de marquer l'autre de ce sceau pour tenter de l'exterminer... Mais d'exterminer quoi? Cette "aliénation idéologique inconsciente"!!!

Le"nazisme" s'est fourvoyé à cet endroit, l'antisémitisme est un antiarchaïsme, une volonté toute chrétienne de faire table rase du passé juif, du verbe juif, c'est donc au nom du "progrès" qu'il se déploie et il n'y a donc rien d'anormal ou de paradoxal à ce que "national" et "socialisme", mots plutôt progressistes, égalitaristes, et gentiment idéologiques , composent le mot "nazi"...

C'est là, peut-être, que J.P. Faye malheureusement défaille, à ne considérer le nazisme que sous l'angle de la solution finale sans le situer dans son époque et son contexte idéologique progressiste.

La question œdipienne de l'articulation chez Heidegger entre aveuglement idéologico-inconscient et pertinence intellectuelle reste à travailler...

Encore moins qu'Eichmann, on ne saurait réduire Heidegger à un imbécile incapable de pensée, la thèse d'Hannah Arendt, quoique remarquable quant a la "banalité du mal", est un peu courte s'agissant de la bêtise d'Eichmann...

Mais revenons à nos moutons... ou nos "mots-tout"...

J.P. Faye, lui non plus, n'est pas un idiot. Que faire de sa pertinence sur la question qui m'anime, celle des mots et des histoires qu'ils charrient?

Que transmettent les mots, et comment?

Le langage, les réflexes ou les petites habitudes langagières véhiculent des idées que nous ne nous savons pas avoir.

Jankélévitch (Quelque part dans l'inachevé p. 107) évoque les "études clairvoyantes de J.-P. Faye". Il fait mention de "machines parlantes", (ibid. p. 108) faisant des "récitations" (ibid. p. 108)...

"Nous sommes à la remorque du langage alors que nous croyons le conduire" (ibid. p. 109).

Puis il décrit le "libériste" et le "puriste" (ibid. p. 109) avant de conclure: "l'acceptation courageuse de cette impureté vitale que déjoue la tentation de la diabolique perfection et qui explique le mécanisme de la médiation, elle s'appelle tout simplement le Sérieux." (ibid. p. 112)

Phrase énorme!!!

À le suivre en le paraphrasant, le Sérieux serait l'acceptation courageuse de l'impureté ... du langage et de ce qu'il charrie!

L'acceptation courageuse de ce en quoi tant qu'on n'y prête pas attention, nous pensons sans le savoir... et pouvons militer à notre insu pour une cause inverse à celle qu'officiellement nous croyons tenir...

L'acceptation courageuse du "juif", de l' "ancêtre", de l' "archaïque"...

Il se pourrait que J.-P. Faye lui-même se contredise - défaille, avions-nous dit - à l'endroit du discours qu'il croit tenir... car s'il est un concept intéressant et opérant en matière d'idéologies et d'exploration de ce que les mots transmettent c'est justement celui de "déconstruction"! J.P. Faye lui-même déconstruit ... la "déconstruction"!

Revenons au nazisme: et si le nazisme, comme suggéré précédemment, à l'instar du "communisme" ou du "libéralisme", incarnait la toxicité idéologique de tout "purisme"?

Et si le nazisme n'était qu'un produit de synthèse industriel fanatiquement pur du progrès hygiénique de la modernité?

Ce ne serait donc pas tant le nazisme qui serait à interroger que la "modernité" comme tentative de "stérilisation" du langage en tant que vecteur d' "archaïsmes". Bref, la question du "politiquement correct"...

Plutôt que de chercher à expurger les mots toxiques du vocabulaire peut-être vaudrait-il mieux apprendre à savoir de quoi ça parle quand on parle, apprendre courageusement à articuler "crade" et "impur", sans trop viser la "propreté" (ou "propriété", son alter égo étymologique) de la pensée, qui comme chacun le sait, ne le reste jamais longtemps ...

(En annexe, ci-dessous, un article du Monde par J. P. FAYE et un article de Libé par BARBARA CASSIN Philosophe et membre du Collège international de philosophie, MICHEL DEGUY Philosophe et membre du Collège international de philosophie, JEAN-LUC NANCY Philosophe et membre du Collège international de philosophie, MATHIEU POTTE-BONNEVILLE Philosophe et membre du Collège international de philosophie, AVITAL RONELL Philosophe et membre du Collège international de philosophie, GEOFFREY BENNINGTON Philosophe et membre du Collège international de philosophie, ALEX GARCIA-DÜTTMANN Philosophe et membre du Collège international de philosophie)

@+serge.aron.over-blog.com

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Pas si mal pourtant ce J.P. Faye?

L' "archaïque" est à "déconstruire"?

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